Comment distinguer une peau sensible, réactive ou allergique ?
Qualité du recrutement des panélistes, rigueur de l'examen clinique ou gestion des évènements indésirables (EI) dans le cadre de la cosmétovigilance...L'expertise liée à la connaissance de la peau se révèle fondamentale aux différentes étapes de la gestion d'une étude clinique.
Focus sur les peaux sensibles, intolérantes ou allergiques avec notre dermatologue, le Dr Jocelyne PINTON.
Qu'est-ce qu'une peau sensible, réactive ?
Le concept de peau « sensible », peau « réactive » correspond à une hyperréactivité cutanée, non immunologique, liée à des facteurs normalement bien supportés.
Il faut concevoir cette hyperréactivité comme un abaissement du seuil de tolérance de la peau, à un moment donné. En effet, la peau sensible peut apparaître à n’importe quel moment de la vie. Elle concerne essentiellement le visage, plus rarement le cuir chevelu, les extrémités ou d’autres parties du corps. La peau sensible est très fréquente, présente chez environ 50% des femmes et 30% des hommes.
C’est l’association passagère ou permanente de certains stimuli qui déclenche l’apparition de la peau sensible. Il peut s’agir :
- de facteurs liés à l’environnement (variations de température, soleil, pollution, froid, chaleur...),
- de l’application de produits topiques (produits d’hygiène, cosmétiques, solaires, inadaptés au type de peau),
- de facteurs traumatiques (coup de soleil, peeling exfoliant, dermabrasion…)
- mais aussi de facteurs internes (émotions fortes, stress répétés, consommation d’épices, d’alcool, excitants…).
La peau sensible se traduit, au premier plan, par des signes subjectifs d’inconfort cutané comme des picotements, des sensations de brûlures, des fourmillements, des tiraillements. Le prurit est en général absent ou de faible intensité.
Dans le cas d’une peau réactive aux cosmétiques, ces signes subjectifs peuvent apparaître immédiatement après l’application du produit ou quelques heures plus tard. Les signes objectifs sont souvent peu marqués comme une fine desquamation, un érythème peu visible, des rougeurs fugaces…
Parfois, la totalité du tableau clinique est subjective, et l’on parle alors de «dermatose invisible ».
Il est important de prendre en charge une peau sensible, car elle risque d’évoluer vers une dermatite d’irritation. Or, la peau irritée facilite la pénétration percutanée des allergènes et par conséquent, peut conduire à une sensibilisation puis à une dermatite allergique.
Qu'est-ce qu'une peau irritée, intolérante ?
L’application sur la peau d’une ou plusieurs substances irritantes, une agression climatique, peuvent déclencher une dermatite d’irritation.
Comme pour la peau sensible, elle n’a aucune composante immunologique et peut survenir chez n’importe qui. Elle ne nécessite pas de contact préalable et peut survenir dès le premier contact ou après plusieurs applications. Elle se localise à la zone de contact avec le produit, ou à une partie de celle-ci.
Elle se traduit par une symptomatologie fonctionnelle semblable à celle de la peau sensible (picotements, tiraillements, sensations de brûlures ou d’échauffement, léger prurit…) à laquelle s’associent des signes objectifs plus marqués et persistants (érythème en général bien limité, +/-œdémateux, desquamation ...).L’aspect clinique est en règle général monomorphe, rougeur +/-squames.
La sévérité de la dermatite d’irritation dépend de nombreux paramètres :
- pouvoir irritant propre de la substance,
- durée et fréquence du contact,
- occlusion ou non du produit et résistance du tégument à l’agression.
Par exemple, l’occlusion amplifie le pouvoir irritant en favorisant la pénétration du produit. L’occlusion existe dans les plis (à la racine des cuisses, derrière les genoux, sous les fesses …). A l’inverse, un produit rincé (shampoing, après-shampooing…) aura un temps de contact plus limité et sera moins irritant.
Une dermatite d’irritation guérit en général rapidement et facilement après suppression de l’irritant. Si l’irritation persiste, il y a risque de sensibilisation à un allergène (2).
Qu'est-ce que la peau allergique ?
Beaucoup moins fréquente que la dermatite irritative, la dermatite allergique dépend d’un terrain individuel et relève d’un mécanisme immunologique.
il s’agit donc d’une réaction inflammatoire avec reconnaissance d’un allergène spécifique. Le plus souvent, nous assistons à une réaction d’hypersensibilité retardée à médiation cellulaire ou plus rarement à une hypersensibilité immédiate.
La symptomatologie fonctionnelle est différente car elle est dominée par le prurit, toujours présent et en général marqué. Il peut être responsable d’insomnies, de réveils. La réaction est polymorphe (érythème, vésicules, suintement, croûtes, desquamation…) et extensive, débordant souvent le site d’application.
L’apparition d’une dermatite allergique impose l’arrêt définitif du produit. La guérison est lente après suppression du produit cosmétique et peut nécessiter un traitement général (2). A distance de la réaction, il est préconisé de réaliser d’une exploration allergologique, pour rechercher l’allergène en cause.
Le tableau ci-dessous est extrait de l’article 1. Il décrit les signes subjectifs et les signes objectifs permettant d’établir un diagnostic parmi les trois tableaux cliniques étudiés.
En conclusion, il convient de bien analyser les signes subjectifs et objectifs pour caractériser la peau. Et si vous souhaitez connaître nos méthodes d'évaluation, consultez notre article sur les peaux fragiles.
Références :
- Pons-Guiraud A. Peaux sensibles, peaux réactives. EMC, cosmétologie et dermatologie esthétique, 50-220-A-10, 2009
- Pons-Guiraud A. Intolérance aux cosmétiques. Actualisation. EMC, cosmétologie et dermatologie esthétique, 50-250-A-10, 2007